Description

Si Colt est devenu synonyme de revolver, il ne faut pas ignorer les mérites souvent éminents de nombre de ses challengers…

La Guerre de Sécession ne fut pas qu’une partie de plaisir pour la firme Colt. En dépit des excellentes affaires induites par la Guerre.

En 1862, elle avait perdu son fantasque et charismatique fondateur emporté par la goutte à l’âge de 47 ans.  En 1864, autre année noire, la firme de Hardford, perdit ses usines emportées par les flammes. Cette même année, le meilleur ami et principal ingénieur de Colt, Elisha K Root, désigné par Colt pour lui succéder en 1862 périt également. L’année suivante, 1865, la fin de la Guerre de Sécession et des contrats militaires entraina le licenciement de 800 employés. La vente des surplus militaires à prix cassés plomba encore un peu plus le marché. Rien n’allait plus.

La suivie de la firme dut beaucoup à son épouse Elizabeth Colt à qui il avait quand même légué une fortune d’environ 200 millions de dollars, colossale à l’époque et l’usine aussi. Jusque 1901, l’impératrice Elisabeth régnera sur la fortune Colt d’une main de fer, avec Jarvis, le beau-frère de Colt, à la tête de l’usine. Elle y gagnera le surnom de “Première Dame du Connecticut”. En 1901, épuisée et sans enfants, tous les descendants de Colt étant morts prématurément, et très raisonnablement à son image de femme d’affaires intraitable, elle prendra la seule décision possible et vendra l’usine de Hartford. Elle mourra seule en 1905.

Mais rien n’indique que si la guerre avait duré plus longtemps, rêve normal de tout marchand de canons, le poulain n’aurait pas pu non plus disparaître du fait du succès de nouvelles générations de revolvers sortis au cours de celle-ci. La Guerre, comme moteur de l’Histoire et Sainte Patronne de l’innovation technique. Elle l’est aussi en dépit de son visage hideux. Comme l’Homme lui-même et les armes qui la portent, elle est Janus.

La vie du « colonel » Sam Colt l’a démontré, inventer une arme en avance sur son temps ne sert à rien sans cadeaux à des amis hauts placés, un certain sens des affaires et parfois un peu de chance. C’est toujours vrai aujourd’hui.

Ebenezer Townsend Starr, fils de Nathan Starr, qui avait déjà fourni, entre autres choses, 20.000 mousquets à l’Army entre 1831 et 1845, avait tout pour réussir : moment propice, argent, intelligence, contacts bien placés et machines ultra-modernes.

En dehors du monstrueux revolver Savage, le marché du revolver double action de gros calibre américain n’était pas plus grand qu’un mouchoir de poche.

Son brevet de 1856 attendait sagement la libération des brevets originaux de Colt sur l’entrainement de barillet qui bridaient toute la concurrence (et le progrès) depuis quinze ans. Les deux ans qu’il avait encore à attendre lui permirent de commercialiser dès 1858 un premier modèle Starr en calibre .36, ce qui commençait à devenir un respectable belt pistol.

Alors que l’Europe, était déjà peuplée d’Adams, Tranter et autres Perrin, aucun n’offrait rapidement six coups avec autant de puissance.

Sans même aller sur les plates-bandes des Colt Walker et Dragoon, un simple Colt Army modèle 1860, alors en usage dans la cavalerie US, était deux à trois plus puissant que n’importe lequel de ces revolvers européens, pourtant plus rapides à actionner.

Puissance et rapidité hors pair, le modèle de Starr en calibre .44 et double action, opérationnel dès 1858 et distribué à partir de mi-1862, avait donc tous les avantages pour débuter sa carrière. La guerre en plus.

Dans le courant de l’été 1861, l’État Major nordiste réalisa son manque de prévoyance et les besoins sans précédent en hommes et en matériel que le conflit allait exiger.

Le lancement de la production des Starr avait eu lieu moins de 18 mois après le déclenchement du conflit. Les test furent rapides. Les capacités industrielles de la déjà célèbre famille armurière Starr n’étaient plus à prouver. Les commandes militaires affluèrent chez Starr et les autres.

Facturées 25 dollars avec accessoires, ces nouvelles armes étaient en moyenne deux fois plus chères que leur concurrence. Étaient elles pour autant deux fois supérieures ? Il se peut…

A proprement parler sa platine est plus à « double et triple effet » que ce que nous entendons de nos jours par « simple et double action », à l’instar du Lefaucheux 1863.

Cela peut paraître contre instinctif mais la crête du chien n’est véritablement là que pour être mis au cran de demi-armé et en sécurité entre deux chambres.

Ce sera à la glissière située derrière la “queue de détente” (glissière qui est la véritable queue de détente en réalité) de commander un tir « continu » ou bien, avec une pression moindre de bloquer le chien en arrière, avant de le libérer avec une seconde pression de détente pour le libérer.

Ce principe est à mi-chemin entre le Tranter 1853 à deux queues détentes (amélioration de l’Adams 1851) et du Lefaucheux 1863 précédemment cité.

Le ventre de la bête est encore plus qu’avant-gardiste. Sa double action est opérée par une palette située sur le devant de son chien à l’instar de nos Smith & Wesson et Manurhin modernes.

Pour rappel, notre brave Chamelot Delvigne de 15 ans son cadet n’offre qu’une banale reprise du mécanisme du Beaumont-Adams troisième modèle de 1856, avec un second linguet tourné vers le chien et rattaché à la queue de détente.

Le résultat obtenu chez le Starr est une douceur remarquable dans son mécanisme. Exceptionnelle même et qui n’a que peu d’équivalents mêmes modernes. Peut-être celle des Smith d’avant 1947.

Son entretien et sa fiabilité sont aidés par une carcasse en deux parties, façon « top break » et aux chambres sans « intercalaires ». Les coûts et l’usinage sont réduits. Toutes les pièces internes sont massives et comme découpées au laser (admirez ce doigt élévateur géant !).

Le débat de l’époque sur le risque d’explosion en chaîne des munitions ou la nécessité de recouvrir les amorces de graisse ne sera pas rouvert avec cette arme. A la différence de Colt et de Remington, les amorces ne peuvent se bloquer non plus.

Le rochet est ici une pièce rapportée, ce qui permet de lui appliquer un traitement et une qualité d’acier spécifique. Son remplacement est également on ne peut plus simplifié. Extrêmement bien pensé.

Solide et bien conçu, ses qualités n’auront qu’un seul vrai ennemi, mais au combien puissant: le manque de formation des soldats qui tenteront tant bien que mal ou comme des forcenés de faire fonctionner leurs revolver en armant le chien manuellement au lieu d’utiliser la première “queue de détente”, causant ainsi des dysfonctionnements.

On comprend mieux pourquoi, pendant un temps, on hésita fortement à doter la cavalerie d’armes plus modernes que les Single Action Army, qui avaient en plus l’avantage de devenir de formidables massues une fois leurs trois ou cinq coups tirés…

Ce « problème » fut résolut, non pas par une instruction accrue de la troupe, mais avec la production d’une nouvelle variante du revolver Starr en 1863. A la demande insistante des armées. Le progrès n’est pas toujours reconnu à sa juste valeur.

Fonctionnant de manière plus « traditionnelle » et doté d’un canon de 7,5 pouces, ce Starr Army single action deviendra le troisième revolver le plus acheté par le Gouvernement du Nord. Qui apprécia également son prix divisé par deux.

Au total, on estime qu’il a été fabriqué 21 000 exemplaires militaires du revolver Starr 1860 “double action” auxquels s’ajouteront 5 000 exemplaires civils, alors que le troisième à simple action atteindra le beau chiffre de 30 000 produits.

 

Nous sommes face ici à un très beau modèle militaire double action, dans un état de conservation exceptionnel.

La crosse, réalisée en une seule pièce de beau noyer chevelu américain, est ici dans une fraîcheur frôlant l’indécence. Aucun enfoncement significatif ou manque n’ose égratigner ses flancs. D’infimes petites marques sont visibles sur son talon. Le beau cartouche “BH” de l’inspecteur général Benjamin Hannis est parfaitement lisible. Très rare.

L’aspect extérieur métallique y compris le barillet porte encore plus de 60% de son bronzage glacé d’origine. Une telle qualité de bronzage reste impressionnante même en comparaison des plus belles répliques. Le travail investi dans le polissage et le traitement par acides (extrêmement toxiques) employés alors se perçoivent encore 160 ans après ! Restes importants de jaspage en chien et queue de détente également.

Une très légère granulosité est perceptible sur l’avant de certaines chambres ainsi qu’ un légérissime coup sur le côté droit du top strap que je signale par conscience professionnelle. Ces légers souvenirs de son lointain passé militaire sont autant de signes de son utilisation et plus sûrement de son entretien constant.

Tous ses marquages sont finement gravés et parfaitement lisibles y compris son numéro de réception en barillet. C’est très rare. Brevet du 15 janvier 1860 côté droit et de l’autre la raison sociale des usines Starr installées à New York.

La visserie est impeccable, pas la moindre déformation ou coup de tournevis maladroit.

La douceur de la platine est plus que remarquable, miraculeuse dirais-je. Tout est moelleux à souhait, on contrôle parfaitement le passage du « tir continu » à celui « intermittent » pour reprendre la formule de nos vieux manuels d’instruction.

Avec la glissière placée vers le haut, une longue pression entraîne un tir en double action tandis qu’une pression modérée permet d’engager la simple action. Le coup de main vient très vite. Et foi de Maître Flingus, cela devient un exercice addictif.

Reprendre du service ne lui fera pas peur. Avec prudence tout de même car c’est une arme ancienne magnifique à conserver absolument dans cet état de fraicheur quasi parfait.

Les cheminées sont toutes en très bon état et non obstruées. Rochet et doigt élévateur sont dignes de Paul Bunyan.

Lorsque l’ont ouvre le revolver en deux, le barillet reste du côté carcasse. Lors du remontage, il faut d’abord rentrer le barillet dans son logement avant de réassembler le canon.

L’intérieur des chambres est excellent, sans piqûres, justes un peu grises.

Le canon qui leur fait suite semble tout droit sorti d’usine. Miroir de chez miroir. Tant par son cône de forcement que par le tranchant de ses rayures, les ouvriers qui l’ont produit ont de quoi être fiers !

Le levier bourroir coulisse fluidement et offre une grande force. Il se verrouille sans faille dans son logement. Prise de visée très agréable, à la Colt. Arme très impressionnante une fois en main.

Bref une arme de collection au top!

Arme rare, le Starr double action 1860 apparait néanmoins au cinéma dans les mains de Clint Eastwood dans ‘Impitoyable”, dans celles de Kevin Costner dans le film “Wyatt Earp” et, bien rangé en caisse de présentation, dans le bureau du vilain Sherrif  Will Teasle dans le fabuleux Rambo – First Blood (le premier).

En somme, notre arme est dans un état d’intégrité et de conservation d’origine représentant au plus près son état tel qu’elle fut distribuée dans les rangs de la cavalerie bleue vers 1862 . État muséal.

Cette arme fort bien conçue ne peut laisser indifférent tant de par sa silhouette que de part ses nombreux aspects très modernes.

C’est un indispensable parmi les « outsiders » au Colt et au Remigton de cette guerre sauvage, faisant partie des rares exemplaires réellement fabriqués et distribués sur le champ de bataille où ce Starr marqua les esprits.

Conservation, technique, signification historique, une pièce d’exception à tous points de vues !

 

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